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Les fables canadiennes de Jules Verne : Discorde et concorde dans une autre Amérique

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En trois décennies, du début des années 1870 au

tournant du XXe siècle, Jules Verne écrit trois romans

couvrant plus d’un demi-siècle d’histoire canadienne.

Si ce triptyque peut être saisi dans le processus global

de la création vernienne, il forme en même temps une

entité à part entière, un formidable révélateur de la

place du Canada et du Québec en France. Cette place

est relative : elle dépend beaucoup de ses interactions

avec l’Angleterre et les États-Unis.

Plusieurs oeuvres de Verne, depuis Les Aventures du

Capitaine Hatteras, publiées au milieu des années 1860,

s’attachent à comparer les réactions de personnages

anglais et américains. Il en ressort in fine une rivalité des

deux pays, comme dans les romans canadiens Le Pays

des fourrures (1872-1873) et Famille-Sans-Nom (1889).

Le conflit anglo-américain explique les connivences

entre Canadiens français et Américains, dont font état

ces deux romans.

Or, à la fin de sa vie, Verne remanie ce système

d’alliance. Dans Le Volcan d’or, rédigé en 1899-1900,

les relations vont diamétralement changer : Canadiens

français et anglais, tous honnêtes gens en quête

de l’or du Klondike, s’unissent contre des Américains

originaires du Texas, délinquants notoires et redoutés.

Comment analyser ce retournement ? Quelle clé

offre-t-il pour comprendre, à une plus vaste échelle,

les images du Canada et du Québec qui prévaudront

dès lors en France ? Over the course of three decades—from the early

1870s to the turn of the 20th century—Jules Verne

wrote three novels covering more than half a century

of Canadian history.

While this triptych is undoubtedly located within the

Vernian corpus, it nevertheless constitutes a body of

work in its own right, a powerful testimony to the place

that Canada and Quebec occupied in France. This place

was relative, however, dependent on interactions with

England and the United States.

Several of Verne’s works beginning with the publication

of The Adventures of Captain Hatteras in the mid-1860s

compare English and American characters. Ultimately,

the rivalry that emerges between the two countries is

further developed in the Canadian novels The Fur

Country (1872–1873) and Family Without a Name

(1889). The Anglo-American conflict explains the

affinities between French Canadians and Americans

present in both novels.

Toward the end of his life, however, Verne revisits this

alliance. In The Golden Volcano, written in 1899–1900,

those relations change diametrically: French and

English Canadians, all honest people in search of

Klondike gold, unite against the Texans, notorious

and feared delinquents.

How is this reversal to be understood? What clues does

it offer for understanding of the depictions of Canada

and Quebec that prevail henceforth in France on a

broader scale?