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Victoria Ocampo : Préambule d'Ernesto Sabato

Livre numérique


André Malraux l'appelait "la superbe Argentine", Etiemble la qualifie toujours de "grande dame et de grand monsieur", mais qui la connaît encore ici, à l'heure du centenaire de sa naissance ?

Victoria Ocampo, née en 1890 à Buenos Aires, au sein de l'aristocratie, eut une jeunesse choyée mais étouffante. Il était difficile d'être "femme sur les rives du rio de la Plata" et Victoria dut se battre contre les contraintes et les préjugés de cette société patriarcale. D'une rare beauté, sensuelle, énergique, fascinée par la création littéraire et artistique, elle se lie dès 1924 avec le poète indien Rabindranath Tagore et se lance dans le journalisme et la critique. Ses amis comptent parmi les plus grands noms de l'intelligentsia du moment : José Ortega y Gasset, Hermann von Keyserling, Pierre Drieu la Rochelle avec qui elle aura une liaison et qu'elle n'abandonnera jamais, Jule Supervielle, Gropius, Ernest Ansermet, Aldous Huxley, Virginia Woolf.

En 1931, appuyée par ces "gloires", elle fonde à Buenos Aires, la revue SUR - la NRF argentine - qui publie des signatures occidentales prestigieuses et révèle au monde nombre d'auteurs latino-américains. Parmi ceux-ci, Jorge Luis Borges et Ernesto Sabato...

Pont culturel entre divers continents, vivier de futurs maîtres, SUR bénéficiera d'une renommée exceptionnelle ; le flair, la combativité, l'abnégation de sa directrice et de ses collaborateurs y seront pour beaucoup.

En 1939, cette francophile invite Roger Caillois à donner des conférences en Argentine. Le jeune essayiste, retenu par la guerre, demeurera plusieurs années auprès d'elle : Victoria Ocampo financera même sa revue Lettres françaises et introduira Caillois à une littérature dont il ignorait tout et qu'il fera découvrir au public français par l'intermédiaire de la fameuse collection "La croix du Sud". Avec générosité et obstination, elle encouragera bien des artistes dont la célèbre photographe Gisèle Freund, et soutiendra la cause des Alliés.

Après la guerre, elle poursuivra sa mission d'ambassadrice des lettres argentines, résistera aux persécutions du régime péroniste et maintiendra des liens chaleureux avec tous les écrivains aimés. Un cancer de la gorge l'emportera en 1979.

Laura Ayerza de Castilho et Odile Felgine retracent l'itinéraire d'une aventurière de l'esprit exceptionnelle : évocation minutieuse et allègre d'un destin de femme hors du commun.