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Les esclaves de Paris : Tome I - Le chantage

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Emile Gaboriau (1832-1873)

"La journée du 8 février 186. fut une des plus rigoureuses de l’hiver.

À midi, le thermomètre de l’ingénieur Chevalier, qui est l’oracle des Parisiens, marquait 9 degrés 3 dixièmes au-dessous de zéro.

Le ciel était sombre et chargé de neige.

La pluie de la veille était si bien gelée sur les pavés que la circulation était périlleuse et que les fiacres et omnibus avaient interrompu leur service.

La ville était lugubre.

À Paris, bien qu’on y puisse mourir de faim, tout comme sur le radeau de la Méduse, on ne s’inquiète pas démesurément de ceux qui n’ont pas de pain.

Il semble que du banquet quotidien d’un million de convives il doit tomber assez de miettes pour rassasier ceux qui n’ont pas trouvé place à table.

Mais l’hiver, quand la Seine charrie, involontairement, on pense à ceux qui n’ont pas de bois et on les plaint.

Cela est si vrai, que ce jour du 8 février, la maîtresse de l’Hôtel du Pérou, Mme Loupias, une âpre et dure Auvergnate, se préoccupa de ses locataires autrement que pour augmenter leur loyer ou les harceler de ses incessantes demandes d’argent.

– Quel froid d’ours ! dit-elle à son mari, occupé à bourrer de charbon de terre le poêle de la loge. Par des temps pareils, je suis toujours inquiète, depuis cet hiver où nous avons trouvé un de nos locataires pendu là-haut. L’accident nous coûta bien cinquante francs, sans compter les injures des voisins. Tu devrais voir ce que font nos gens des mansardes.

– Baste !... répondit Loupias, ils sont sortis pour se réchauffer."

B. Mascarot, placier pour gens de maison, le docteur Hortebize et l'avocat maître Catenac, sont trois personnes considérées comme honorables. Ils sont pourtant associés dans des affaires de chantage... B. Mascarot, désireux de se retirer des affaires, met en place ses pions sur l'échiquier de sa plus belle affaire, affaire qu'il prépare depuis vingt-cinq ans : une affaire machiavélique !