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Deux ans de vacances

Livre numérique


Jules Verne (1828-1905)

"Pendant la nuit du 9 mars 1860, les nuages, se confondant avec la mer, limitaient à quelques brasses la portée de la vue.

Sur cette mer démontée, dont les lames déferlaient en projetant des lueurs livides, un léger bâtiment fuyait presque à sec de toile.

C’était un yacht de cent tonneaux – un schooner –, nom que portent les goélettes en Angleterre et en Amérique.

Ce schooner se nommait le Sloughi, et vainement eût-on cherché à lire ce nom sur son tableau d’arrière, qu’un accident – coup de mer ou collision – avait en partie arraché au-dessous du couronnement.

Il était onze heures du soir. Sous cette latitude, au commencement du mois de mars, les nuits sont courtes encore. Les premières blancheurs du jour ne devaient apparaître que vers cinq heures du matin. Mais les dangers qui menaçaient le Sloughi seraient-ils moins grands lorsque le soleil éclairerait l’espace ? Le frêle bâtiment ne resterait-il pas toujours à la merci des lames ? Assurément, et l’apaisement de la houle, l’accalmie de la rafale, pouvaient seuls le sauver du plus affreux des naufrages, – celui qui se produit en plein Océan, loin de toute terre sur laquelle les survivants trouveraient le salut peut-être !

À l’arrière du Sloughi, trois jeunes garçons, âgés l’un de quatorze ans, les deux autres de treize, plus un mousse d’une douzaine d’années, de race nègre, étaient postés à la roue du gouvernail. Là, ils réunissaient leurs forces pour parer aux embardées qui risquaient de jeter le yacht en travers. Rude besogne, car la roue, tournant malgré eux, aurait pu les lancer par-dessus les bastingages. Et même, un peu avant minuit, un tel paquet de mer s’abattit sur le flanc du yacht que ce fut miracle s’il ne fut pas démonté de son gouvernail.

Les enfants, qui avaient été renversés du coup, purent se relever presque aussitôt."

1860 : En Nouvelle-Zélande, 14 élèves de la pension Chairman, âgés de 8 à 14 ans, s'apprêtent à participer à une croisière sur le "Sloughi". La nuit précédant le départ, les enfants dorment seuls à bord mais les amarres du bateau sont mystérieusement rompues...