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La dernière nuit

Livre numérique


Emmanuel Bove (1898-1945)

"Quatre heures sonnèrent.

La nuit tombait déjà. En cet après-midi pluvieux de novembre, elle était attendue avec impatience. N’allait-elle pas, cette nuit semblable à toutes les nuits, faire oublier le jour lugubre qui s’achevait ? Les fenêtres du petit hôtel qu’habitait Arnold s’éclairaient une à une. Cet hôtel, situé dans une rue populeuse de Montmartre, avait surtout comme locataires des musiciens, des danseuses, des jeunes gens. Ils commençaient à se lever. À travers les minces cloisons de sa chambre, Arnold percevait des bruits d’objets déplacés, des sonneries. Il n’avait pas fait de lumière. Assis près de la fenêtre, dans la clarté rougeâtre qui montait de la rue, il semblait la proie d’un profond désespoir. Mais n’y avait-il pas dans cette attitude pensive quelque chose d’un peu théâtral ?

Tout à coup, il sursauta comme si une glace venait de voler en miettes derrière lui. Ses doigts se serrèrent, ses yeux s’écarquillèrent drôlement. Il ouvrit la bouche, non comme le plongeur qui absorbe sa provision d’air, mais par nervosité. Puis il eut conscience que ce trou au milieu de son visage était laid. Ses lèvres se joignirent de nouveau et le calme revint sur ses traits de jeune homme fatigué et ambitieux.

Ses pupilles étaient bleues, ainsi que celles d’un enfant, ses mains osseuses. Il respirait paisiblement. Quelques minutes s’écoulèrent ainsi, sans qu’un muscle de son corps remuât. "C’est trop... je n’ai plus la force... ", murmura-t-il finalement. Il ne savait pas ce qui était trop, ni pour quelle tâche la force lui manquait. "Je souffre... je suis malheureux", dit-il encore. Il se berçait de paroles. Soudain il sourit. "Suis-je donc aussi malheureux que je le pense ?"

Montmartre : Angoissé, fatigué de la vie, Arnold ouvre le robinet de gaz... juste pour évaluer ses limites face à la mort, juste pour contrôler la vie et la mort. Mais tout bascule. Il repense à l'affaire qui l'a amené là... Heureusement il est sauvé par sa maîtresse... Rêve ou réalité ? Arnold semble perdu dans un labyrinthe... Rien ne se contrôle...