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Le curé de village

Livre numérique


Honoré de Balzac (1799-1850)

"Dans le Bas-Limoges, au coin de la rue de la Vieille-Poste et de la rue de la Cité, se trouvait, il y a trente ans, une de ces boutiques auxquelles il semble que rien n’ait été changé depuis le moyen âge. De grandes dalles cassées en mille endroits, posées sur le sol qui se montrait humide par places, auraient fait tomber quiconque n’eût pas observé les creux et les élévations de ce singulier carrelage. Les murs poudreux laissaient voir une bizarre mosaïque de bois, et de briques, de pierres et de fer tassés avec une solidité due au temps, peut-être au hasard. Le plancher, composé de poutres colossales, pliait depuis plus de cent ans sans rompre sous le poids des étages supérieurs. Bâtis en colombage, ces étages étaient à l’extérieur couverts en ardoises clouées de manière à dessiner des figures géométriques, et conservaient une image naïve des constructions bourgeoises du vieux temps. Aucune des croisées encadrées de bois, jadis brodées de sculptures aujourd’hui détruites par les intempéries de l’atmosphère, ne se tenait d’aplomb : les unes donnaient du nez, les autres rentraient, quelques-unes voulaient se disjoindre ; toutes avaient du terreau apporté on ne sait comment dans les fentes creusées par la pluie, et d’où s’élançaient au printemps quelques fleurs légères, de timides plantes grimpantes, des herbes grêles. La mousse veloutait les toits et les appuis. Le pilier du coin, quoiqu’en maçonnerie composite, c’est-à-dire de pierres mêlées de briques et de cailloux, effrayait le regard par sa courbure ; il paraissait devoir céder quelque jour sous le poids de la maison dont le pignon surplombait d’environ un demi-pied. Aussi l’autorité municipale et la grande voirie firent-elles abattre cette maison après l’avoir achetée, afin d’élargir le carrefour. Ce pilier, situé à l’angle des deux rues, se recommandait aux amateurs d’antiquités limousines par une jolie niche sculptée où se voyait une vierge, mutilée pendant la Révolution. Les bourgeois à prétentions archéologiques y remarquaient les traces de la marge en pierre destinée à recevoir les chandeliers où la piété publique allumait des cierges, mettait ses ex-voto et des fleurs. Au fond de la boutique, un escalier de bois vermoulu conduisait aux deux étages supérieurs surmontés d’un grenier. La maison, adossée aux deux maisons voisines, n’avait point de profondeur, et ne tirait son jour que des croisées. Chaque étage ne contenait que deux petites chambres, éclairées chacune par une croisée, donnant l’une sur la rue de la Cité, l’autre sur la rue de la Vieille-Poste."

Limoges : Véronique Sauviat, fille d'un ferrailleur enrichi et avare, épouse un banquier. Mais celui-ci préfère s'occuper de ses affaires financières que de sa belle épouse. Pendant ce temps, un crime est commis...