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Demain, cadavres, vous jouirez

Livre numérique


Pour que l’on ne puisse plus dire, comme Schopenhauer, que la devise générale de l’histoire est Eadem, sed aliter, il faut nous demander à quelles conditions un adulte redevient un enfant dès lors qu’il est saisi par l’illusion politique, à quelles conditions un homme civilisé se met à hurler avec les loups, un savant oublie la science, un intellectuel l’esprit critique, un peuple son histoire, un État sa moralité pour sombrer dans la guerre, la destruction et l’intolérance. À quelles conditions un individu devient-il un homme des foules ? Que se passe-t-il dans l’individu pour qu’il veuille ainsi remplacer son propre idéal par autre chose que lui-même ? Pour qu’il place dans un objet extérieur ce qui est du ressort de sa propre histoire ? Pour qu’il s’oublie au point d’assigner à un autre le soin de conduire sa propre vie, et qu’il s’y soumette au point de s’en rendre esclave ? Pour qu’il rencontre, parmi ses semblables, ce même phénomène, au point qu’ils se reconnaissent frères au seul nom du chef ? Il faut comprendre que l’éducation et l’instruction bien comprises sont un fondement essentiel de la liberté, qu’elles ont été inventées pour émanciper le jugement, afin que les hommes puissent un jour se passer de maître ; pour former l’homme autant que le citoyen, afin que la liberté soit conçue comme une condition essentielle du bonheur.